jeudi 31 mai 2012

Rencontre avec Maylis de Kerangal, le samedi 9 juin



La librairie Préambule est fière de vous annoncer que nous accueillerons Maylis de Kerangal le Samedi 9 juin, de 15h à 18h30. L'occasion idéale pour rencontrer, découvrir et apprécier un des plus grands auteurs contemporains, déjà présente l'an dernier en cité cassidenne dans le cadre du Printemps du Livre. 


Comme à nos habitudes, nous prendrons possession de la rue Pierre Eydin pour rendre honneur, entre discussions passionnées et lectures de textes, aux dernières parutions (mais pas que) de Maylis de Kerangal : 

- Naissance d'un Pont (Folio)
- Tangente vers l'Est (Verticales)
- Pierre feuille ciseaux (Le Bec en l'Air) 
- Corniche Kennedy (Folio)



Venez nombreux !


La photo de l'auteure a été prise par Miguel Medina pour l'AFP

mercredi 30 mai 2012

Greg Pak : sous le signe de l'émeraude, troisième partie

 

III Toutes les bonnes choses ont une fin : Incredible Hulks #612-635



Au sortir de World War Hulks, Greg Pak a les coudées franches pour mener son héros comme il le désire. Il est (enfin) débarrassé du poids encombrant du Hulk Rouge, parti sous de meilleurs auspices avec Jeff Parker. A l'instar des deux premières périodes de son run, Pak mobilise Sakaar pour tisser son intrigue. Ici c'est Hiro-Kala, frère jumeau de Skaar qui tient la vedette. A l'instar de ce dernier, Hiro-Kala a été élevé dans la brutalité pour devenir le dernier espoir des Sakaariens après la destruction de leur planète. Autre point commun, Hiro-Kala est loin d'être un ange, et à l'aube de ses jeunes années est déjà responsable de milliards de morts pour avoir poussé la planète Gaiusar dans le ventre cosmique de Galactus. Fusionnant avec l'esprit planétaire de K'ai, il dirige la planète vers la Terre pour l'anéantir. Skaar sentant la menace via l'Ancienne Force, prévient son père qui apprend par là-même l'existence d'un deuxième fils psychopathe. Et voilà notre héros reparti pour solutionner les déboires de sa progéniture. Malgré les ressemblances narratives avec l'arc précédent, Pak évite le piège de la répétition. Vous l'aurez noté, Incredible Hulk a cédé le pas à Incredible Hulks. Hulk dirige effectivement un pure équipe gamma (Skaar, A-Bomb, Miss Hulk, Miss Red Hulk, et l'exception Korg). Ce qui est désormais la Hulk Family est une team de choc qui assure le spectacle mais pas que. Pak joue la carte de la continuité en proposant à nouveau un Hulk particulièrement intelligent en leader assumé et compétent. Pak étoffe aussi la thématique familiale qui est au coeur des enjeux de ce nouveau départ. Bien qu'entouré d'un fils avec lequel il a tissé de puissants liens et de sa cousine qui le soutient inconditionnellement, Banner ne sait pas comment gérer le retour d'une Betty particulièrement déséquilibrée. Pak évite également la redite en ne faisant pas de Hiro-Kala un Skaar-bis, et offrant une conclusion qui tranche radicalement avec la fin de World War Hulks. Une belle manière de boucler la boucle sur les relations Hulk-Sakaar, et de rappeler les puissantes contradictions qui habitent "le Destructeur de Mondes". Si vous voulez le fond de ma pensée, Greg Pak aurait dû s'arrêter là.

Avec Incredible Hulks #618-635, notre scénariste commence à s'essouffler. Un paradoxe alors que son personnage évolue en dehors des clous de l'univers Marvel et que Pak retrouve la liberté scénaristique des débuts. Il va pourtant commettre une série d'erreurs. Son premier choix contestable est de vouloir faire absolument coller la Hulk Family à la deuxième série qu'il co-écrit avec Lente, Hercules. Hulk se retrouve balancé en plein crossover Chaos War alors qu'a priori il n'avait rien à y faire (seuls les personnages divins sont censés rester éveillés pendant l'event). Pire, il en profite pour ramener temporairement à la vie un certain nombre de personnages qui ont côtoyé Hulk. Cet artifice scénaristique est hasardeux surtout quand il est amené bien trop rapidement dans un crossover aussi court que l'a été Chaos War. Ce n'est pas mauvais mais tout ceci pue la facilité et l'incapacité qu'à Pak de jouer correctement sur deux tableaux différents. Deuxième erreur, Pak n'en finit pas de ramener Hulk vers son passé sakaarien. Débarqué sur la Terre Sauvage, le géant vert doit affronter un ancien "Lié en Guerre" qui a mal tourné. Non seulement l'intrigue est inintéressante, mais en plus, Skaar est purement et simplement abandonné dans la Terre Sauvage dans une séparation qui ne dégage aucune émotion et paraît bien trop artificielle. Ce deux ex scénaristique sonne comme une trahison alors que Pak avait mis tellement d'efforts à en faire un personnage singulier et attachant. La fin du run est principalement consacrée au quatuor amoureux Hulk/Banner-Betty Ross/Miss Red Hulk. Une bonne idée sachant que la relation Banner/Betty est un des fondamentaux de la série et qu'un traitement sérieux s'imposait. Et là réside la dernière erreur de l'auteur. Pak joue bizarrement la carte de la gaudriole et tout l'arc est écrit comme une pièce de théâtre de boulevard. Encore une fois, la tonalité Hercules n'est pas exportable à l'univers Hulk, et il n'est pas conseillé d'exhiber Amadeus Cho dès qu'il est possible de le faire. L'intrigue est loin d'être transcendante, souvent confuse autour d'une histoire fumante de puits miraculeux et de voeux. Il est regrettable que Pak ait ramené la série à sa seule dimension titanesque, car il faut bien avouer que niveau spectacle le lecteur en a toujours pour son argent. On referme malgré tout la dernière page avec un large sourire aux lèvres, content du dénouement et de la "sérénité hulkienne" qui baigne notre couple.  Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin.

Il serait temps de conclure, me direz-vous. Malgré les égarements de la fin de son run (tout le monde est humain et a le droit de connaître des pannes d'inspiration), Pak s'est imposé comme un fin connaisseur de l'univers Hulk,  et aura poussé son personnage au summum de ses possibilités. Il serait même criminel de ne pas posséder sur son étagère Planet Hulk et World War Hulk. D'ailleurs pour aider le nouveau lecteur, je vous propose de faire un petit récapitulatif des différentes parutions vf (souvent introuvables en neuf, et oui, merci Panini). Pour terminer sobrement, chapeau bas à Greg Pak, et merci pour ces purs moments de bonheur passés avec le plus grand puits à fantasmes de tous les héros Marvel. 


Bonus : tracer les parutions vf  du run de Pak (bon courage pour les motivés)


Planète Hulk (Incredible Hulk #92-105) : Hulk Volume 3 et Volume 4 (Marvel Monster)
World War Hulk : World War Hulk #1-6 ou World War Hulk (Best of comics)
Tie-in World War Hulk (Incredible Hulk #106-111) : Marvel Heroes (v2) #5-10
Skaar #1-12 : inédit en vf (2 TPB en vo)
Skaar : son of Banner (Incredible Hulk #601-605) : Marvel Extra 3 "Banner et Fils"
World War Hulks (Incredible Hulk #606-611) : Marvel Stars (v1) #1-5
Incredible Hulks #612-617 : Marvel Top 4 "Dark Son"
Incredible Hulks #618-628 : Hulk Volume 5 (Marvel Monster)      
Incredible Hulks #629-635 : Marvel Saga 14

mardi 29 mai 2012

Greg Pak : sous le signe de l'émeraude, deuxième partie

 

 II Tu quoque mi fili : Skaar #1-12, Incredible Hulk #601-611 


Après World War Hulk, Banner est emprisonné par le SHIELD. Pak et Hulk quittent ensemble la scène Marvel et devront patienter pendant de nombreux mois avant de fêter leurs retrouvailles. Entre-temps la Maison des Idées lance un nouveau magazine, Hulk et confie la série à Jeph Loeb. Si ce dernier a déjà travaillé sur le personnage au début des années 2000, il semble bien plus enclin à se concentrer sur son bébé, le Hulk Rouge. Une tendance qui se confirmera dans la durée avec la "déshulkisation" de Banner dans le Incredible Hulk #600. De son côté Pak, associé à son compère Fred Van Lente, entame son run sur Hercules qui a récupéré la place laissée vacante par le géant vert (Incredible Hulk devient Incredible Hercules au #112). On retrouve de la testostérone, mais le duo Pak/Lente privilégie l'humour et les débordements libidineux du demi-dieu. C'est l'occasion en outre pour Pak de mettre en avant le personnage d'Amadeus Cho, meilleur ami d'Hercules et fan numéro 1 de Hulk. Un choix compréhensible au regard de l'identification revendiquée qu'il entretient avec sa dernière création (tous deux sont Américano-Coréens). 

Les ponts avec l'univers Hulk ne sont néanmoins pas coupés. Introduit dans World War Hulk #5, Skaar, fils de Caiera et de Hulk est doté d'une série régulière en août 2008. L'occasion pour Pak de renouer avec le monde impitoyable de Sakaar. La planète est moribonde et se relève difficilement de sa quasi-implosion. Les tribus sont éparpillées et soumises à la loi arbitraire des seigneurs de guerre. Des temps de crise où la nécessité d'un héros, d'un sauveur ou d'un prophète se fait d'autant plus pressante dans le coeur des Sakaariens, orphelins de la "Balafre Verte". Tel est le contexte de la naissance d'un jeune enfant, Skaar, abandonné par son père et dont les seules possibilités de communication avec sa mère se font via l'Ancienne Force, une puissante magie locale. Si son enfance est difficile, élevé parmi les barbares et les monstres, Skaar n'est pas totalement démuni. La génétique étant bien faite, il a hérité des pouvoirs de son père et de l'Ancienne Force de sa mère. Lorsqu'il se révèle au monde, ses talents guerriers et sa lignée font renaître l'espoir parmi un peuple à l'agonie. Pak aurait pu tombé dans le piège d'une simple redite de Planète Hulk. Que nenni ! Si Skaar est pour le coup un véritable Conan extra-terrestre (longs cheveux noirs et grosse épée), il ne marche pas dans les pas de son illustre père. Nourri par le ressentiment contre son géniteur et ses congénères, Skaar apparaît comme un anti-héros. Taciturne et égoïste, le fils de Hulk, loin de combler les attentes qu'il suscite, provoque la destruction finale de sa planète. Une conclusion pour le moins tragique qui confirme la tonalité sombre et désabusée de la série. Comme Skaar est expédié sur Terre, l'occasion est donné à Pak de récupérer son bien. 

Pendant que Loeb se démène dans son Hulk avec ses "mystérieux mystères", pour citer Mdata de Watchtower, Marvel redonne les clés de la série historique à Greg Pak à partir de Incredible Hulk #601. Les jeux sont toutefois bouleversés. Banner est toujours "déshulkisé" et se retrouve avec un double-enjeu sur les bras : préparer le retour du géant vert dans son corps et gérer une progéniture encombrante. Les intentions de Skaar sont en effet claires, il est sur Terre pour régler ses comptes avec son père à qui il reproche le désastre de Sakaar. Les premiers numéros sont cependant écrits sur un ton plutôt léger. La situation est pour le moins cocasse : Banner accepte de former son "fils" qui s'allie temporairement avec lui dans l'attente qu'il se transforme pour le tuer. On peut déplorer ce changement de ton ainsi que certaines erreurs d'écriture (Pak fusille le référentiel Conanesque), car si l'humour fonctionne sur Hercules, il n'est pas forcément adapté à un univers Hulk qui ne prête pas tellement à la franche rigolade. On ne saura pas si Marvel a rappelé Pak pour sauver les meubles avec les events improbables de Loeb (Fall of the Hulks, suivi de World War Hulks, notez le pluriel). Toujours est-il que Pak assure, et réhausse considérablement le niveau en adaptant à nouveau son intrigue. A contrario de Planète Hulk, le scénariste offre un full-Banner intéressant, revenant aux bases du personnage, à savoir un des plus brillants scientifiques, en ajoutant une touche personnelle. Confronté aux complots du Hulk rouge, Pak esquisse un Banner plus cynique, froid, en proposant une interprétation de la dualité plutôt inattendue "Et si la fonction de Hulk était de protéger le monde de Banner ?". Signe de sa maîtrise de SES personnages, Pak résout les enjeux de manière brillante dans un final qui frôle la perfection : action et émotion, symbolique de la dualité Hulk/Banner autour du meurtre du père, toute la palette est utilisée et fait mouche à tous les niveaux. 

Une belle claque qui sauve World War Hulks pour en faire presque un event réussi. Pas de doute, le maître es Hulk, c'est bien Greg Pak. Marvel ne s'y trompe pas et décide de lui laisser la série pour deux années supplémentaires.  To be continued...

lundi 28 mai 2012

Greg Pak : sous le signe de l'émeraude, première partie

Derrière ce titre ô combien lyrique, se cache ma volonté de saluer Greg Pak, à l'occasion de la parution du Marvel Saga 14 qui regroupe les six derniers numéros de son run sur Hulk. Ce petit geste me tenait particulièrement à coeur, sachant que c'est avec son Planète Hulk que j'ai attrapé le virus du comics en général et du géant vert en particulier. En guise d'hommage, je vous propose de revenir en trois parties sur son long règne de cinq ans (2006-2011). 

I L'avènement du "Destructeur de Mondes" : Incredible Hulk #92-111, World War Hulk #1-5


Greg Pak récupère Hulk alors que le personnage vient de subir une des pires infamies de son histoire. Les puissants Illuminati (Dr Strange, Red Richards, Tony Stark, Professeur Xavier et Flèche Noire des inhumains) décident de régler la "question Hulk" une bonne fois pour toutes, et profitent d'une mission piège pour l'expédier au fin fond de la galaxie. Le plan des courageux protecteurs de la Terre prévoyait un exil sur une planète inhabitée pour apaiser le "monstre". Les voyages spatiaux étant ce qu'ils sont, Hulk débarque sur Sakaar, une planète aride et sanguinaire sous le règne totalitaire du Roi Rouge. Réduit au statut d'esclave-gladiateur, Hulk arpente les arènes plus enragé que jamais, et finit par détrôner son tyran. Le mérite du récit de Pak est double. D'une part il livre une intrigue efficace et jouissive aux nombreuses références, empruntant à Spartacus et surtout à Conan, dans une atmosphère guerrière et violente qui correspond parfaitement à l'état d'esprit d'un Hulk temporairement asservi. D'autre part, Pak a la géniale idée de prendre un contrepied total par rapport aux récits traditionnels qui caractérisent le personnage. En lieu et place de la thématique habituelle du monstre incompris, solitaire et simplet, le scénariste compose un Hulk à l'esprit vif, autour duquel se construit une fraternité soudée. Plus, le rejeté de la Terre s'érige au fil de ses combats en libérateur adulé pour devenir au terme de son périple un roi respecté et aimé par tout un peuple. Une transfiguration complète du personnage, et un choix scénaristique particulièrement payant d'occulter Bruce Banner pour livrer une psychologie singulière et plus fine de son alter-ego. Pak a compris quel était le potentiel de Hulk seul et le restitue admirablement. Planète Hulk est ainsi un condensé de dimension héroïque, de surpuissance titanesque et de tragédie grecque, puisque Pak conclut son récit sur la destruction de Sakaar et la perte pour Hulk de sa reine bien aimée. Un nouveau signe du cruel destin qui l'accable, le privant d'un monde qui l'avait accepté, lui, le guerrier étranger, pour celui qu'il était. Une thématique identitaire parfaitement maniée et qui sonne comme un réquisitoire sur cette capacité qu'à l'homme d'exclure ce qu'il ne parvient à comprendre.

Ce funeste coup du sort appelle vengeance, et pour Hulk, les coupables sont désignés : ce sont les "héros" qui l'ont exilé et qui sont responsables de l'explosion fatale à Sakaar. Accompagnés de ses frères d'armes, "Les Liés en Guerre", son retour sur Terre s'annonce particulièrement violent. Voici venu le fameux crossover World War Hulk, qui consacre un Hulk plus puissant que jamais, en mode "Destructeur de Mondes" au paroxysme de sa colère. Un certain nombre de bloggeurs ont souvent minoré la valeur de l'event. Soyons clair, WWH est un des meilleurs crossover qu'il m'ait été permis de lire. D'aucuns n'y voient qu'un empilement de bastons... Eh les gars ?! C'est un Hulk au top de sa rage, normal que ça ne fasse pas dans la dentelle. Et puis ça fait du bien de voir notre géant vert malmener ou carrément défoncer toutes les têtes à claques et autres poseurs de l'élite marvelienne : Wolverine, Flèche Noire, Red Richards, et surtout cet insupportable Tony Stark. Les gens ont aussi tendance à oublier que le récit de Pak se distingue par sa cohérence et son respect de l'univers. WWH est l'aboutissement somme toute logique de l'exil de Hulk, et sa conclusion rend honneur au retour du Héros qui détruit toutes les postures hypocrites de ses anciens camarades. Le crossover prend ainsi tout son sens dans les déficiences latentes du management superhéroïque. La gestion du cas Hulk est à ce titre le symbole criant de l'échec du projet Illuminati, Si les têtes pensantes s'étaient donné pour but de prévenir toute menace potentielle, ce sont finalement les Illuminati qui ont créé par leur série de choix contestables le "Destructeur de Mondes". Un habile renversement des rôles et des valeurs qui se dessine en filigrane de WWH et qui préfigure le marasme Secret Invasion.

Avec World War Hulk, un auteur est né. Greg Pak s'impose d'emblée comme un des scénaristes ayant le mieux saisi les multiples possibilités de Hulk avec des numéros de très grande facture. La désillusion sera grande pour les fans quand Jeph Loeb récupère le personnage et balaye tous les apports du run de son prédécesseur. L'amertume sera pourtant de courte durée. To be continued...

dimanche 27 mai 2012

New 52 : Action Comics #7 et #8

 


















Après six premiers numéros de qualité, voyons ce que Morrison nous a concocté pour boucler le premier arc narratif de son run. Il faut tout d'abord faire un petit retour en arrière, à Action Comics #4 plus précisément, pour effectuer un petit point sur l'intrigue. 

Dans le #4, Superman est confronté à un soldat robotisé rendu fou pour la haine et qui souhaite régler son compte à notre héros. En parallèle des centaines de robots ont posé pied sur Terre et pille allègrement les plus belles collections artistiques et les artefacts technologiques les plus significatifs. Le numéro se concluait sur la disparition de toute une portion de Metropolis. Avec le numéro #7, Superman part à la recherche des Metropolitan disparu et pénètre le satellite des robots collecteurs. Après quelques affrontements, il découvre un ensemble de mondes miniaturisés et enfermés dans des bouteilles. Son regard se fixe sur une ville de la planète Krypton. Avec le numéro #8, tout s'accélère, et Superman est confronté par Brainiac, le maître des lieux, à un choix cornélien. Le collecteur annonçant la disparition inéluctable de la Terre, Superman doit choisir entre les dernières traces de sa culture d'origine ou les humains emprisonnés.

En bouclant le dernier numéro, Grant Morrison a déjà résolu un certain nombre de points pour la construction de de son superhéros. Cet arc résonne effectivement comme l'acceptation par Kal-El de son destin de Superman. Une construction synonyme d'une double démarche identitaire : le choix de la Terre et de ses habitants qui lui renvoient son image de protecteur, et la découverte progressive d'un passé enfoui qui se révèle de plus en plus. Kal-El a besoin d'être Kryptonien et Terrien pour embrasser son statut, tout autant l'un que l'autre, les deux se combinant pour aboutir à la synthèse de Superman.  Une dimension qui constitue le fil rouge pendant ce premier arc, et qui fonctionne très bien dans le scénario de Grant Morrison. 

Un petit point sur les dessins de Morales qui ont les mêmes qualités et défauts que lors des premiers numéros de la série. C'est souvent très beau et détaillé, et par moment les visages sont particulièrement ratés. Rien de choquant, j'aurais plutôt tendance à dire que les dessins rehaussent la qualité de la série plutôt que la plomber. 

Un dernier point peut-être sur les séries annexes qui ponctuent chaque épisode de Action Comics. On retrouve à nouveau le Steel Man (le clin d'oeil est évident), qui a porté assistance récemment à un Superman en difficulté. Dans ce récit, on le voit confronté à la gestion de la disparition d'une partie de Metropolis et d'apprendre l'éprouvante vie de héros en gestion de post-crise. Une thématique sur l’héroïsme et l'humanité, convenue mais bien exécutée. Pour le #8 le récit annexe se permet un gros cliffangher pour introduire une nouvelle menace. A voir donc au prochain numéro.

jeudi 24 mai 2012

Megaverse accueille Préambule


Grande nouvelle pour le blog Préambule qui rejoint officiellement en ce jeudi 24 mai la galaxie Megaverse. L'occasion pour moi de vous présenter ce superbe outil, indispensable à tout amateur de comics qui se respecte. 

Megaverse est LE site agrégateur de tous les sites et blogs qui traitent du comics. A l'heure actuelle, il compile pas moins de 75 de nos camarades dont chaque nouveau billet est automatiquement diffusé sur l'agrégateur. Une aide inestimable pour quiconque souhaite se tenir au courant de l'actualité comics ou cinéma. Plus, Megaverse catégorise les publications écrites, audio et vidéo pour une meilleure lecture de la masse d'informations quotidiennes qui abreuve internet. Cerise sur le gâteau, chaque site contributeur est doté d'un fil propre qui liste ses derniers écrits, ce qui donne encore plus de profondeur au contenu directement visible sur Megaverse.

On ne saurait trop remercier ce travail titanesque d'un véritable passionné du comics. Grâce à Vincent, le webmaster et créateur de Megaverse, non seulement sont multipliées les opportunités de découverte pour l'internaute, mais en plus la communauté virtuelle du comics bénéficie d'une visibilité bien plus importante, facteur déterminant pour assurer et développer ce qui nous lie tous. 

C'est vous dire l'honneur qui est fait au bien modeste blog Préambule, qui peut ainsi côtoyer ses glorieux aînés, Comics Chronicles, Comicsblog ou Watchtower, pour ne citer qu'eux. 

N'hésitez pas à visiter Megaverse (et comme moi à l'ajouter dans vos favoris), et faire un tour sur son blog dédié, Megazine, pour vous tenir au courant de son actualité et de ses derniers ajouts.

The Boys, T14

Pour la première critique d'une parution librairie en vf, l'exercice est hasardeux. Difficile en effet de chroniquer une série en cours, et bien en cours, puisque nous sommes déjà au tome 14 du fantastique The Boys, du non moins génial Garth Ennis (Hellblazer, Preacher, Punisher, Punisher Max,War Stories, et plein d'autres trucs). Malgré tout sa lecture me fait prendre la plume, car on peut souligner plusieurs choses intéressantes. 

Ne vous attendez pas à ce que je vous raconte en détail ce qui s'est passé dans les 13 précédents volumes. Un point quand même sur l'intrigue : The Boys raconte l'histoire d'un groupe d'agents dépendants de la CIA chargé de la surveillance des superhéros. Car les super-slips dans cette série ne sont pas les parangons de vertu auxquels le lectorat est habitué : drogués, psychopathes, tueurs irresponsables, alcooliques en passant par partouzeurs ou violeurs à leurs heures perdues. Le groupe des P'tits Gars dirigés par l'impitoyable Butcher se charge donc de les mettre au pas avec toute la finesse d'une sulfateuse dans les mains de Schwarzy. Longtemps, la série a servi de défouloir aux goûts sadiques de Garth Ennis. Immense écrivain de comics qui a la particularité de détester tout ce qui porte une cape ou un costume (il suffit de lire son Marvel Knights : Punisher pour s'en convaincre), The Boys aura été l'occasion pour Ennis de régler indirectement ses comptes avec toutes les grandes figures mythiques des productions Marvel et DC : la Justice League (en particulier Superman), les Vengeurs et les X-Men. Une succession de démastiquages explosifs, un humour ravageur qui tape bien sous la ceinture, des clins d'oeil affirmés et qui font systématiquement mouche ont été les points forts d'une série que l'on peut qualifier de "culte", quand bien même on serait allergique, comme l'auteur de ces lignes, à ce terme si souvent galvaudé. 

Oui mais voilà, Garth Ennis est un sacré roublard et surtout un écrivain à l'arc multi-cordes. Cela fait plusieurs volumes (disons depuis Herogasme), que la série évolue, doucement mais sûrement. Sous ses airs d'auteur sarcastique et immature, on oublie que Ennis est particulièrement à l'aise avec certaines thématiques. Dès lors qu'il s'agit de s'attacher aux sentiments ou aux valeurs humaines, notre britannique range momentanément les shotguns et peut livrer des dialogues particulièrement émouvants. Les lecteurs du Punisher et surtout de Preacher retrouvent ce côté de l'écrivain dans l'évolution de la relation Hughie/Stella, liaison aussi impossible que sincère. C'est par ce biais-là en tout cas que Ennis a décidé de faire lentement basculer la tonalité de sa série, soufflant un peu sur l'action et le dégommage en tout genre. Le tome 13 était révélateur de ce changement, ses planches étant consacrées au développement psychologique de Hughie, entre nostalgie, remords, colère, et remise en cause personnelle. 

Ce tome 14 est le moyen pour Ennis de renouer avec un autre genre qu'il affectionne : la guerre. Le titre est évocateur "Préparation propre et planification". Pas de jeux de mots, pas de sous-entendus graveleux. Non. Du martial pur et dur, au premier degré. Le moyen pour l'écrivain de lever enfin le voile sur ce qui a pu foiré il y a quelques années quand Butcher a du se replier provisoirement face aux super-héros. L'alternance passé/présent autour des mêmes enjeux (préparer la mise à mort des slibards) baigne l'ensemble du comics pour déboucher sur un final qui met vraiment l'eau à la bouche (enfin je ne parle pas de l'illustration finale, rarement vu un truc aussi dégueulasse). Attention pour les prochains volumes, ça annonce une bien belle bataille. L'évolution de la série se ressent aussi dans le traitement moins uniforme des deux équipes. Avant l'heure fatidique, Ennis nous montre que les équipes ne sont pas si soudées que ça, que les lignes de fracture sont latentes. Là encore on gagne en subtilité et en maturité. Par contre, la série n'a tout de même pas changé de nom, et nous sommes bien présence de l'humour typiquement ennisien. Une belle scène gonzo avec une handicapée, un dialogue hilarant pour ce qui suit, mais à la différence de ce à quoi on était habitué, même le côté déjanté est désormais raccord avec le récit et à la "planification" des enjeux. 

Certains peuvent regretter que l'on perde peu à peu la folie des débuts de la série. Je crois qu'au contraire il faut se féliciter de voir ici Ennis à son plein potentiel, jonglant avec habilité avec l'ensemble des outils scénaristiques qu'il est capable de mobiliser, alternant le fun et le sérieux, le jouissif et le sensible. Oui, il faut se féliciter de cette transformation, qui fait passer The Boys du statut "plaisir coupable" à celui de série solide et qui comptera dans la bibliographie, pourtant déjà bien fournie en chefs d'oeuvre, de Garth Ennis. Hail to the king !

mardi 22 mai 2012

The Horus Heresy : les deux premiers tomes

Je dois par moment donner l'impression de débarquer sur la planète livre, puisque je compte aujourd'hui faire un joli retour en arrière pour mieux m'attarder sur les deux premiers tomes, parus en 2006 et 2007, d'une saga cosmique et épique : The Horus Heresy. Le premier tome est signé par le comicsement doué Dan Abnett (The Authority, Monsieur cosmique chez Marvel, Resurrection Man) et s'intitule "L'Ascension d'Horus", quant au deuxième il est écrit par Graham McNeill (une pure production de Games Workshop que je ne connais pas) sous le titre "Les Faux Dieux".

Que les néophytes en univers Warhammer 40k (dont est inspirée cette saga) se rassurent, pas besoin d'avoir potassé trente-six codex d'armées pour pouvoir apprécier les deux romans. Certes, le connaisseur aura l'avantage d'une immersion plus rapide, mais guère plus. Dans Warhammer 40k, l'humanité, après des millénaires de ténèbres, se réveille sous l'égide de l'Empereur qui décide de lancer la Grande Croisade afin de rassembler toutes les peuplades humaines dispersés aux quatre coins de la galaxie. Fers de lance de la Croisade, les Space Marines se taillent la plus belle part des actions glorieuses et de conquête. Génétiquement modifiés, ces géants immortels (et non pas invincibles) sont les plus belles machines à tuer de l'Imperium. Les Space Marines sont divisés en légions, chacune dirigée par un Primarque, créé à partir des gènes de l'Empereur et transmettant lui-même son code génétique à sa légion. Les romans commencent au moment où l'Empereur décidé de quitter le front de la Croisade et retourne sur Terra. Il nomme à la régence militaire son fils préféré : Horus, primarque des Luna Wolves, le Maître de Guerre. 

Voilà pour le background. Dans "L'Ascension d'Horus", sous-titré "Où sont plantés les graines de l'Hérésie", nous suivons principalement la montée en puissance d'un capitaine des Luna Wolves, Loken. A près un fait d'armes remarquable et remarqué, Loken est invité à siéger au Mournival, le Conseil officieux de la légion, et d'aider en cela le Maître de Guerre à prendre ses décisions. Tout n'est cependant pas rose dans ce premier arc narratif, car entre deux boucheries militaires, Loken est confronté au Warp, au Chaos dans les mystérieux et sombres Pics des Murmures, ce qui l'amène à douter de la cohésion de sa légion. Le doute s'accroît lorsqu'il apprend qu'une loge secrète, pratique proscrite par l'Empereur lui-même, siège au sein des Luna Wolves. Quant au deuxième tome, accompagné du plus explicite "Où l'hérésie prend racine", les choses se précisent. Se jetant droit dans le piège dressé par un de leurs frères d'armes, Horus prend la tête des troupes sur la lune de Davin. La lune est infestée et putréfiée, et la légion croule sous le poids des morts-vivants qui se déversent sur elle. Suivant la trace du message radio qui ne cesse de susurrer  le nom "Nurgh-Leth", Horus affronte l'ancien gouverneur de Davin, putréfié après voir porté allégeance au Chaos. Se débarrassant de l'abomination après un combat acharné, Horus s'écroule et perd connaissance. Pour le sauver, les membres les plus fanatiques des Luna Wolves le transporte dans un temple sacré de la Loge du Serpent. Au cours de ce voyage mystique, Horus s'offre la vision d'un Imperium dévoyé aux forces du Chaos. A son réveil, le Maître de Guerre a fait son choix. 

Voilà à grands traits ce qui se passe dans les deux premiers livres (sur dix-sept en cours de parution, ça laisse rêveur). J'ai décidé de les joindre car ils constituent une forme de prologue au déclenchement à proprement parler de l'hérésie. Ils sont donc fondateurs car ils mettent en place un certain nombre d'enjeux, en premier lieu le cheminement qui conduit Horus à embrasser la voie de la trahison. On trouvera d'ailleurs un petit peu à redire sur le moment fatidique où le pas est franchis, car sans explications détaillées, cela ne reste pas exempt d'un part d'illogique. Les enjeux secondaires sont aussi nombreux : on pressent les dissensions profondes qui vont secouer les Luna Wolves, symbole de la guerre fratricide qui va suivre. Certaines légions des Space Marines sont quant à elles quasiment dans les mains du Chaos, et les futures forces en présence se dessinent peu à peu. Face au mal, on suit aussi, doucement mais sûrement, la création du courant de l'Inquisition, créateur d'une nouvelle religion, faisant de l'Empereur leur Dieu. Tout ce beau monde a très peu de temps avant que les rideaux tombent, pour faire de la Galaxie le théâtre d'un embrasement général. Que dire au niveau de l'écriture ? C'est globalement très bon, du moins c'est ce qu'on attend de ce type d'exercice. Un style fluide, des dialogues percutants, des descriptions fines mais qui vont à l'essentiel, un côté bad ass chez ces monstres du combat, tout est présent. Sans parler des scènes de guerre, à la fois épiques et héroïques, parfois désespérées, mais toujours dynamiques et dirigées d'une plume de maître par les deux écrivains. Les nombreuses références à la mythologie de Warhammer sont présentes, mais les puristes décèleront des apports nouveaux, des ajouts référentiels, eux aussi mythologiques et cosmologiques, qui sont la bienvenue pour étoffer un univers, déjà bien riche. 

Vous l'aurez compris, si vous avez occulté les romans Warhammer, suspectant comme moi un coup commercial de la part de Games Workshop, vous avez à moitié raison. Oui c'est un coup commecial (comme toujours chez eux), mais un bon coup. Qu'est-ce que l'on demande lorsqu'on lit de la SF (disons non-spéculative) ? Que ce soit bigger than life, que ça explose dans tous les sens, et qu'on soit captivé par ce qui y est décrit. Autant dire qu'avec "L'Ascension d'Horus" et "Les Faux Dieux", on est largement servi. Un must à avoir donc.

lundi 21 mai 2012

Bilan du 1er crossover des New 52 : Rise of the Vampires



De retour dans le monde du comics, je tenais à dédier ce billet à un micro-event, malgré tout historique : Rise of the Vampires. Micro, car il tient sur quatre petits numéros (Justice League Dark #7, I, Vampire #7, Justice League Dark #8 et I, Vampire #8), et historique puisque c'est officiellement le premier crossover des New 52. Il anticipe à ce titre, et de peu, le plus ambitieux Night of the Owls, qui occupe l'ensemble de la Bat Family entre les #8 et #9 des principales séries qui la composent.

Comme à notre habitude reprenons le scénario de la nouvelle catastrophe qui menace notre planète Terre. Dans I, Vampire #6 (que je ne lis pas), le héros de la série, Andrew Bennett, vampire de son état, est tué, alors même que la plus grande menace vampirique ressuscite. Le grand méchant de l'event est en effet Caïn himself, homme né de l'ombre, premier vampire ayant foulé la Terre, sorti de sa prison pour réclamer son du. Sentant les sombres signes de cet éveil, Madame Xanadu dépêche à nouveau sa team de choc (Deadman, Zatanna, Shade et John Constantine) à Gotham dont les rues sont peu à peu submergées par les vampires fanatisés de Caïn. Pire, ce dernier absorbe toute l'énergie magique de la Justice League Dark pour décupler ses forces. Le dernier espoir repose sur Constantine et Deadman, chargés de retrouver Andrew Bennett et lui faire prendre conscience de l'éminent rôle qu'il doit remplir au sein de sa communauté.

Rise of the Vampires se lit très bien, même s'il faut bien l'admettre que l'event ne casse pas trois pattes à un canard. Victime peut-être de son format très (trop) court, si on lit tout ça très vite et sans s'ennuyer une seconde, certains passages, retournements, plans héroïques auraient pu prendre plus de place. En somme, les forces résident dans les faiblesses du crossover. Autre bon point, les deux séries s'alternent plutôt bien, alors même que les auteurs effectuent un chassé-croisé (Milligan pour Justice League Dark, Fialkov pour I, Vampire) et la tonalité est bien respectée. Idem pour les dessins, qui sont globalement de bonne facture, un petit bémol peut-être pour les visages féminins chez Daniel Sampere (Justice League Dark), remplaçant pour ces deux numéros Mikel Janin. On est bien dans l'univers Dark des New 52, et les planches faisant la part belle à l'hémoglobine sont présentes, quoique que ça reste tout de même assez gentil. Ici la maturité du récit reste dans l'ambiance générale de l'event, ou dans les répliques toujours sarcastiques d'un Constantine au top de sa forme. 

Alors le bilan ? Si je ne recommande pas expressément sa lecture (à moins que vous soyez un lecteur de I, Vampire et/ou Justice League Dark, mais alors vous l'aurez déjà lu...), il faut tout de même reconnaître que Rise of the Vampires impacte les deux séries. Pour Justice League Dark, un membre quitte (de manière définitive ?) l'équipe, mais surtout au niveau de I, Vampire, l'event sonne un nouveau départ pour la partie vampirique de l'univers des New 52. Un bon moyen peut-être pour entrer dans l'univers de chacune des séries, même si personne ne sera perdu s'il n'entame sa lecture qu'au #9. Rise of the Vampires rassure en tout cas le lecteur DC qui attendait peut-être avec appréhension comment les différentes séries allaient peu à peu se connecter, surtout dans la partie Dark des New 52. S'il faut en croire les éditeurs de la Distinguée Concurrence, la partie introductive des différentes séries s'achève pour enfin les lier dans des enjeux communs. Au vu de ce premier et sympathique essai, on ne peut qu'être optimiste.

jeudi 10 mai 2012

Carnet de Corée, de Serge Delaive

Dernière parution de l'excellente et courageuse maison d'édition La Différence, il me tenait à coeur de relater Carnet de Corée, de Serge Delaive, court texte qui fait écho à quelques titres littéraires sortis en 2012, notamment le somptueux Dernières nouvelles du Sud du chilien Sepulveda. Nous restons ici dans la thématique du carnet de voyage, agrémenté là encore de nombreuses photographies, même si dans le cas présent narrateur et photographe ne font qu'un. 

L'exercice est aussi différent car Delaive ne retranscrit pas un, mais trois voyages en Corée (1999, 2004, 2009), qui s'entremêlent en permanence dans ses courts textes, chacun jouant sa propre mélodie tout en respectant l'harmonie globale de l'ouvrage. Le rapport à la Corée s'impose au narrateur qui a épousé une femme d'origine coréenne, adoptée en Belgique, et qui s'est lancé en 1999 à la recherche de sa véritable mère. Dix ans plus tard, ils y retournent, mais accompagnés cette fois de leurs deux enfants pour leur faire toucher du doigt leurs origines et leur faire rencontrer l'autre famille, biologique mais si lointaine. C'est dans cette double relation, à la fois charnelle (par sa compagne) et tellement étrangère (il est Belge), que se joue une intéressante découverte. Toute personne ayant voyagé, sait rapidement quelles sont les barrières qui s'imposent à l'intrus, néophyte culturel et linguistique. 

"Le voyage. Se retrouver dans un endroit dont on ne pratique ni la langue, ni l'alphabet et se laisser aller dans la musique des sons humains. Un mutisme provisoire et salutaire. Parvenir malgré tout à communiquer en profondeur à l'aide des intonations, du regard, des signes. Du toucher parfois. Scruter les dessins de lettres, de mots indéchiffrables et parfaits. Le voyage. Le mouvement qui fait sens, l'immobilité au regard perçant. Le voyage en tant que radicalité contradictoire : à la fois en apnée dans le monde et aux marges d'un monde inaccessible. A l'extérieur complètement, en absence, mais en même temps là, tellement là. L'expérience de la solitude entre douleur et extase. Quand ouverture rime avec barrières infranchissables."
C'est à travers un homme, voulant tellement comprendre mais comprenant peu, touriste non-ordinaire mais soumis aux même contingences, que nous arpentons ce pays. Les textes sont souvent courts, et s'attachent à décrire les différentes étapes, les paysages et les villes, les réactions de son entourage, les personnes qui s'offrent à sa vision, les sentiments qui habitent la famille. Quand les facultés auditives se révèlent impuissantes, c'est l'oeil seul qui prend le relais pour faciliter l'initiation aux mystères de la Corée. Le souci du détail, de la description pure sans emphase stylistique pour restituer le plus fidèlement possible ce qui s'offre à la vue du voyageur, même si cela implique de rester à un irrémédiable niveau de superficialité.

"Lignes superficielles, je le sais. Voyageur de passage qui effleure la surface, sens en éveil, mais qui ne peut entendre les rouages d'un monde ancien. Occidental en goguette, naïf, qui note au vol ce qu'il saisit à l'avant-plan d'un tableau dont la perspective atteint une profondeur inouïe."
Conscient de ses limites, Delaive s'essaye peu aux considérations ethnologiques ou sociologiques. Tout juste quelques observations géopolitiques, quelques phrases sur le double-visage de la Corée entre modernité occidentale et traditions asiatiques, quelques indications de vocabulaire. Posture habituelle du voyageur s'intéressant au pays d'une personne proche, mais dont les connaissances ne permettent pas d'aller plus loin. Les photographies qu'il prend sont symptomatiques de la chose. Rarement époustouflantes ou "cartes postales", jamais "touristiques" où l'ego du voyageur est sanctifié au détriment du pays qu'il visite, elles sont ses mêmes impressions du quotidien, de l'environnement du voyageur et ce sur quoi son oeil s'est attardé. En somme le complément visuel  fidèle à la tonalité de ce qui est écrit.

Derrière ce carnet de voyage quelque peu déstructuré, se joue cependant un drame humain. Au-delà des "naïves" descriptions d'un Occidental à demi-perdu, il y a l'attention toute particulière d'un homme soutenant sa femme qui renoue avec toute une partie de son passé. Retrouvailles avec la mère biologique, échanges, puis départs et déchirures, Delaive est surtout le témoin discret de bouleversements émotionnels profonds qu'il restitue sans surcharge de pathos, sans exhibitionnisme outrancier.

"Sandra lâche les vannes. Des larmes amères et joyeuses. Des larmes de vie. J'observe la leçon que je n'apprendrai jamais. Je ne suis pas là."

Difficile de conseiller cet ouvrage singulier. Pas de défauts majeurs dans ce Carnet de Corée, mais quiconque recherche l'incongruité du voyage et de ses péripéties, la description fouillée d'un mode de vie "exotique" ou encore une proposition littéraire qui sort de l'ordinaire, sera certainement déçu. J'ai été touché, c'est incontestable, mais probablement car mon propre parcours est en résonance avec ce texte. Ce qu'a vécu le narrateur, je l'ai expérimenté, quoique dans un contexte autre. Peut-être en est-il ainsi avec ce Carnet de Corée, destiné à tous les observateurs silencieux de leçons qu'ils n'apprendront jamais.  

lundi 7 mai 2012

Rencontre à Ceyreste avec Jean-Jacques Jelot-Blanc

Quelques jours avant le festival de Cannes, l'association Taderi Tadera propose à Ceyreste une incursion dans le monde du cinéma.
Elle reçoit en effet  LE spécialiste du cinéma en Provence, Monsieur Jelot-Blanc , biographe officiel de Marcel Pagnol, celui qui fit entrer le 7ème art sous la coupole. 
Il partagera son enthousiasmante connaissance du  parcours exceptionnel de Marcel Pagnol et présentera celui de Louis de Funès, tout aussi étonnant.
A l'issue de cette rencontre , Monsieur Jelot- Blanc dédicacera ses derniers ouvrages:
Pagnol inconnu,  édition Flammarion
La Provence au cinéma   édition Sutton
Louis de Funès    édition Flammarion



Rendez-vous le samedi 12 Mai  19heures 30 Salle de la culture (au-dessus de la bibliothèque) à Ceyreste.
La librairie Préambule est bien entendue associée à l'évènement

PS :  Vous pourrez à cette occasion admirer l'exposition de la céramiste
Corine Guironnet


samedi 5 mai 2012

Bilan d'un crossover Marvel : Fear Itself

Allez, on va continuer dans la thématique du comics, en suivant un petit peu plus l'actualité française, puisqu'en ce début de mois de mai, vient de sortir le dernier fascicule du crossover annuel de Marvel, Fear Itself. Un moyen de se faire un avis définitif et de juger le travail d'un Matt Fraction sous les feux de la rampe, récemment auréolé du statut d'"architecte Marvel". 

Revoyons un petit peu le pitch de Fear Itself. Le Dieu de la Peur d'Asgard, le Serpent, se réveille, bien déterminé à récupérer son bien et détrôner son frère honni, Odin. Pour se faire il s'appuie sur Sin, fille de Crâne Rouge, qui devient rapidement Skadi après avoir pris en main un marteau forgé par le Serpent et qui fait d'elle une déesse. Le plan est simple, convertir sept gros bourrins avec ces mêmes marteaux (qui renferment chacun l'âme d'un Dieu destructeur), et lâcher une armée de robots nazis (toujours efficaces les nazis pour foutre les chocottes) sur la côte Est des USA. Odin, plutôt fataliste pour le père des Dieux à la tête d'une des plus grosses armées mobilisables, décide d'abandonner la Terre à son sort. Thor se rebelle immédiatement et file à la rescousse de cette bonne vieille Misgard, suivant la destinée d'une funeste prophétie. Voilà pour le pitch initial, qui fonctionne plutôt bien sur le papier. Dieu de la Peur + Fille folle et néonazie + Héros en Dieux destructeurs (Hulk, la Chose, le Fléau) + robots nazis, c'est quand même la classe. 


Alors comment est-ce que ça se concrétise dans la durée ? Mal. Oui, autant l'écrire tout de suite pour éviter tout suspense inutile. Fear Itself, c'est pas que c'est pas bon, c'est que c'est quand même très très mauvais. Le problème vient déjà du titre en lui-même, mensonger ou exagérateur. Jamais on ne ressent la Peur en tant que force abstraite et métaphysique qui diviserait nos héros tout en instillant le doute. Jamais. Il ne suffit pas d'écrire "jamais autant de personnes se sont suicidés", "mouvements de panique dans gnagnagna", pour communiquer ce type d'émotion. Il faut que les protagonistes soient baignés dans cette peur, s'en imprègnent, soient paralysés jusqu'au dernier sursaut héroïque  qui la dépasse. Là non, ils sont tranquilles. Certes, ils mangent quand même un petit peu, mais rien de plus que d'habitude. La psychologie des héros Marvel est assez simple, que ce soit des extra-terrestres, des Dieux, des grands méchants, pas de souci, ils vont toujours à la cogne. Et ne comptez pas sur les tie-ins (ces récits annexes des différentes séries impliquées dans l'event) pour combler les manques nécessaires d'un récit qui doit aller vite, et faire dans le spectaculaire. De ce que j'ai pu lire, ceux qui s'en sortent le mieux dans Fear Itself, sont les écrivains qui ont plutôt décidé d'ignorer ce qui se passait dans l'event principal, et de ne garder ça que comme vaste contexte. Technique un peu bizarre pour coller à un event, mais le pire, c'est que ça marche, comme chez les Thunderbolts de Parker. Quand on voit le marasme des Vengeurs de Bendis, on comprend aussi que ça n'a pas forcément passionné tout le monde. 

Les crossovers sont généralement assez scriptés : présentation des enjeux, premiers combats, le Mal l'emporte, quelqu'un meurt, résistance héroïque, renversement inattendu, victoire. Voilà, Fear Itself c'est à peu près ça aussi. Sauf que vous pouvez rajouter un deuxième mort à la fin (pas de Spoil, ne vous inquiétez pas). La mort des superhéros fait souvent débat dans les crossover. C'est un artifice finalement difficile à utiliser, parce que si la mort est mal amenée, le retour de bâton est assez violent. Et c'est le cas ici. Parlons donc de la mort de Bucky Barnes, en plein milieu de l'event, achevé par Sin/Skadi prenant son pied à se faire un Captain America. Bon, et bien il est mort... et je dirais qu'on s'en fout un peu. C'est vrai qu'à la base ce personnage ne me passionne pas plus que ça, mais là ça frise l'anodin. Sérieux Matt, fais-lui faire un truc un peu classe avant de le buter. Le martyr ou le sacrifice, ça a un peu plus de gueule, non ? Après, oui, je sais qu'on s'en fout que Bucky soit mort, parce que dans six numéros tout au plus, on apprendra qu'en fait il est juste blessé. Et dire que Marvel nous aura servi après la mort de Bucky, le couplet de la veuve noire (via les Secret Avengers) pour nous expliquer que c'est vachement triste et douloureux d'être un héros qui meurt jamais. En termes de ridicule, on atteint un joli niveau. Pour le deuxième mort dont je tairai le nom (mais il restera pas mort longtemps de toute façon), là encore, on est à la conclusion de l'event, on est en droit d'attendre un peu d'émotion et de solennité. Mais non ! Fraction conclue ça assez vite, fait presque lâcher une petite vanne par Spidey au passage (presque j'ai dit, hein), et finit sur une scène de voisinage où tout le monde fait copain/copain ! La Peur incarnée est venue sur terre, le monde a échappé à un IVème Reich, et la leçon retenue par l'humanité c'est de prêter sa tondeuse à gazon à son nouveau pote ? What the Fuck !! Il y avait peut-être une symbolique plus pertinente à exploiter.

En fait c'est un peu ça le problème de Fear Itself : c'est que l'event ne sert à rien. Strictement à rien. Fraction a beau enchaîner ses chapitres, on est jamais vraiment impliqué dans le scénario. Cette histoire de prophétie nous passe par-dessus la tête, comme l'essentiel de ce que font les héros. La résolution finale elle-même ne fonctionne pas très bien. Iron-Man fait forger des armes, bénies par Odin, pour les donner à tous ses amis vengeurs qui fracassent l'armée du Serpent. Ce qui est sensé faire classe, fait au final un peu peine, surtout si l'on a en tête la fameuse double page des White Lanterns dans Blackest Night. Iron-Man aurait pu donner des sabres lasers ou des pistolets à eau, ça revient au même, puisque de toute façon c'est Thor qui a l'épée qui tue. Voilà peut-être un souci de Fear Itself, l'essentiel des héros ne sert que de faire-valoir à une intrigue pas super solide. Même chose pour les héros convertis ou possédés. On ne les voit quasiment jamais, surtout les pas connus (le Français, l'Atlante). On peut se poser la question du coup commercial pour réserver telle menace à un héros en particulier (au hasard, Namor pour l'Atlante), mais là aussi ces destructeurs ne sont que des bouche-trous, qui ne sont jamais impliqués au coeur des enjeux, a contrario de Skadi et du Serpent. Ce qui pose problème a posteriori, c'est la facilité avec laquelle ce bordel aurait pu être résolu, de manière logique. Mais bon, la logique et Marvel en ce moment ... Généralement, un crossover inaugure une nouvelle période de statu quo, une nouvelle ère avec de nouveaux rapports de force. Je me demande vraiment ce qui sera impacté. A priori, pas grand chose. Dommage, Secret Invasion avait amené Dark Reign, Siège l'Heroic Age, et on pouvait peut-être espérer cela de Fear Itself, qui n'aura qu'un épilogue, Fearless, pour se diluer dans la continuité des séries habituelles. Tout ceci confirme effectivement le caractère anecdotique de l'ensemble. 

Il serait peut-être temps de conclure. Vous aurez compris, Fear Itself, c'est nul, archi-nul, c'est encore plus nul que Secret Invasion. Faut faire fort, pour s'ennuyer à ce point pendant tout un crossover (dire que je l'ai longtemps défendu en attendant vainement le sursaut salvateur...). Et comme quoi, même si Immonen aura tout fait pour délivrer un dessin souvent très réussi, c'est l'écriture qui prime sur l'illustration. Et quand on pense que Fraction est supposé être un des ténors de la Maison des Idées... Enfin, voilà la cuvée Marvel 2010/2011 n'aura pas été super, a contrario de DC (Brightest Day, Flahspoint, autrement mieux foutus). Attendons le Avengers vs X-Men qui s'annonce autrement plus épique.  




PS : j'édite le message pour rectifier une de mes erreurs. Vraisemblablement, l'aftermath de Fear Itself, Fearless est plus conséquent que prévu. Six fascicules sont a priori prévus chez Panini. A titre personnel, je n'en achèterai aucun, car l'event ne m'a, comme vous l'aurez compris, pas trop passionné. De plus je trouve soit consternant, soit révélateur, qu'un crossover qui aura mobilisé tant de séries pour des tie-in à la qualité variable, ait besoin d'autant de numéros pour combler ses trous.

vendredi 4 mai 2012

New 52 : Swamp Thing

Swamp Thing (#1-7)

Le temps est venu d'enfin terminer mon tour d'horizon des séries new 52 du relaunch DC. Certaines séries ayant rencontré un succès immédiat, il a fallu attendre certaines réimpressions, ruptures momentanées de stock, qui m'ont empêché d'achever la lecture de la série que je vais chroniquer aujourd'hui. Place à un des personnages phares du label Vertigo qui a fait le voyage dans les New 52 : Swamp Thing !

Les plus vieux lecteurs de comics (pas moi donc) connaissent probablement le personnage sur le bout des doigts. A part un vieux volume de Swamp Thing par Alan Moore (publié par Delcourt) et le plus récent Brightest Day, je ne suis pas donc pas le plus érudit en la matière. Disons tout de même qu'historiquement le Swamp Thing est un élémentaire de la nature, créé à partir des restes du corps d'Alec Holland, un biologiste, décédé dans les marais après l'explosion de son laboratoire. Scott Snyder récupère bien évidemment les bases du personnage tout en proposant sa propre version. On retrouve au début de la série Alec Holland, fraîchement ressuscité, biologiste en congé, et qui pourtant, est en possession de tous les souvenirs de la créature qui avait pris possession de son corps. S'il n'a jamais été le Swamp Thing à proprement parler, il en a néanmoins gardé toute la charge mémorielle. Certains dérèglements dans le monde alertent Superman qui vient avertir Holland et solliciter son aide. Après avoir éconduit le kryptonien, Holland reçoit la visite d'un des membres du Parlement des Arbres qui lui révèle son destin. Holland a toujours été lié au "Vert", l'est toujours, et doit embrasser totalement sa cause, en tant que champion ultime face à sa plus grande menace "La Pourriture", qui déferle sur le monde. En somme, il doit revenir le Swamp Thing. Le reste de ce premier arc est composé d'une course poursuite contre un des avatars de la "Pourriture", à peine réveillé, et qui rassemble une énorme armée dans la Vallée de la mort. Accompagné d'Agibail Arcane, le vieil amour du Swamp Thing à laquelle il est toujours connecté, Holland est confronté à un choix cornélien, pour sauver le "Vert" en déroute face aux hordes de la Pourriture, et in fine, le monde. 

Scott Snyder construit donc une mythologie qui fait écho à ce qui est décrit dans Animal Man. Trois puissances s'opposent sur Terre, le "Vert" (les forces végétales), le "Rouge" (les forces animales) et "la Pourriture", représentés ou incarnés par différents avatars et champions. Dans les New 52, "La Pourriture" est en passe de rompre cet équilibre précaire, il paraît évident que le "Vert" et le "Rouge" sont amenés à s'allier, même s'il est suggéré que ces deux forces sont également antagonistes. Autant dire que Snyder maîtrise largement son sujet et qu'il nous livre sept premiers numéros de très grande qualité. Sa vision du Swamp Thing est cohérente, novatrice et a à peine effleuré tout le potentiel qu'il entrouvre. Tout ce premier arc se lit aussi comme la première quête initiatrice du héros, du moins en respecte les grandes lignes : personnage perdu, mentors qui révèlent les enjeux de son combat, acception dans la douleur de son destin. Un moyen efficace de créer l'empathie avec Alec Holland, dont on suit avec intérêt chacun des doutes intérieurs ainsi que les choix particulièrement difficiles à effectuer. L'émotion est là puisque Holland s'accroche désespérément à un amour qui n'a jamais été le sien et qu'il s'apprête de nouveau à perdre. Savant dosage d'horreur, d'héroïsme, d'introspection psychologique, de mythologie shamanique, et de drame humain, Scott Snyder confirme donc tout le bien qu'on peut penser de lui. 

Passons aussi rapidement sur le dessin, essentiellement assuré par Yannick Paquette, même si d'autres dessinateurs interviennent ponctuellement. Plus dans les standards que celui d'Animal Man, cela n'en reste pas moins d'excellente facture, détaillé, et qui collent bien à la tonalité mature de la série. Au même titre qu'Animal Man, on sent que DC a donné carte blanche à ses artistes, et le gore, le sanguinolent sont bien présents dans ces sept premiers numéros. Mais après tout, on parle quand même de la "Pourriture" et du retour de l'enfer sur Terre.  Il est donc logique que le traitement visuel soit à la hauteur de cette thématique. Certains trouveront cela peut-être dérangeant, mais je tenais aussi à signaler la composition particulière des cases dans Swamp Thing. C'est original, et ça brise un peu les codes classiques du comics auxquels nous sommes habitués. Un bon point pour assurer une identité propre à un héros si particulier. 

Vous vous attendez donc à ce que je vais écrire. Et oui, Swamp Thing est une des meilleures séries des New 52. Certains pouvaient craindre une édulcoration de la série hors label Vertigo. Que Nenni ! Swamp Thing est destiné à un public qui a le coeur accroché et qui attend d'un écrivain un scénario plus complexe qu'à la normale. Sachant qu'Urban est en train de révéler ce qui sera publié en vf, je ne peux que vous conseiller de faire l'investissement en vo (les TPB sont en train de sortir) de deux grands oubliés de leurs annonces : Swamp Thing avec Animal Man, of course.

jeudi 3 mai 2012

Les Anges de New York, de R.J. Ellory

Histoire de me changer les idées, et accessoirement de combler une de mes nombreuses lacunes dans le domaine du roman policier, je vous propose aujourd'hui de nous intéresser aux Anges de New-York, de l'américain R.J. Ellory, publié récemment chez Sonatine. 

Commençons donc par les fondamentaux du polar : les personnages et l'intrigue. Ellory construit l'essentiel de son roman autour de l'inspecteur du NYPD, Frank Parrish, 44 ans. Archétype du flic sévèrement dans la merde, il cumule tous les problèmes : divorcé désormais célibataire, relations, ex-femme qui le déteste, sa fille n'est pas toujours réceptive à ses attentions particulières, son partenaire vient de se faire tuer et pour couronner le tout il est également sur la sellette dans son travail après quelques entorses au règlement de la police. Pour le moins placé sur la corde raide, Parrish récupère alors une affaire de double-meurtre. Obsédé par le visage de la jeune victime de seize ans qui hante ses rêves, il se jette corps et âme dans le travail pour ce qui ressemble fort à un baroud d'honneur. Flanqué d'un nouveau coéquipier, imposé par ses supérieurs qui cherche à le recadrer, son enquête prend une nouvelle envergure lorsque Parrish fait le lien entre son affaire et une série de meurtres non-élucidés de filles du même âge. En parallèle, notre protagoniste se retrouve confronté à la figure paternelle, l'inspecteur John Parrish la légende des "Anges de New-York", le groupe anti-mafia qui a fait l'honneur du NYPD. Au cours de séances imposées avec une psychologue de la police, il règle ses comptes avec l'image publique de héros de son père décédé, et révèle l'histoire sombre de la corruption de l'ensemble des forces de l'ordre et de tous les mauvais coups dans lesquels son géniteur était impliqué. 

Les Anges de New-York est typiquement le genre de polar qu'il m'est difficile de commenter, en bien comme en mal. Il illustre à merveille cette catégorie d'écrivains dont on dit "ils font le job". Tout est efficace à commencer par Frank Parrish en inspecteur attachant, à la fois perdu et compétent, héritier des dinosaures qui sont de moins en moins adaptés à un système trop procédurier qui les frustre. L'intrigue aussi est bien ficelée, ayant son lot de rebondissements savamment dosés pour maintenir en haleine le lecteur en manque de suspense. La langue, comme souvent chez les Américains, est crue et colle parfaitement à l'ambiance relativement désenchantée. Les parenthèses sur l'histoire de la mafia new-yorkaise sont autant de compléments riches et détaillés qui rajoutent une dimension "historique" bienvenue. Tout est efficace, mais rien n'est transcendant non plus. Quand bien même Ellory effleure la thématique de la pédophilie et des snuff movies, le top de la saloperie humaine il faut bien l'admettre, le roman reste relativement édulcoré dans son traitement, l'écrivain restant souvent évasif sur ces atrocités. Non pas que je sois absolument friand d'un voyeurisme absolu, mais on sent que Ellory s'est quelque peu bridé au moment de plonger dans les mécanismes les plus sombres et effrayants que le sujet permet. Même critique pour ce si beau titre, Les Anges de New-York, in fine un peu mensonger. S'il fait (peut-être) référence au chef d'oeuvre de Sydney Lumet, Les Princes de la Ville (et pas Serpico, hein Sonatine !), il ne fait là-aussi que survoler ce chapitre honteux de l'histoire du NYPD, et n'atteint jamais le traitement mythique de son pendant cinématographique. D'une part, les retours dans le passé ne sont pas aussi exhaustifs et poussés qu'on aurait pu le souhaiter. D'autre part, et c'est plus dérangeant, ils ne servent absolument à rien dans l'évolution psychologique de Frank Parrish qui se charge pourtant de l'autopsie mémorielle, et ne font pas écho à ce qui se déroule dans le présent. Le problème donc avec ces "Anges de New-York", c'est qu'ils ne planent pas sur le roman. 

Les Anges de New-York est en quelque sorte le produit standard de la littérature polar nord-américaine, ou le creux de la vague dans l'inévitable bibliographie en dents de scie d'un auteur pourtant renommé. Efficace, ni plus ni moins. Cependant, il ne faudrait pas non plus oublier que même une oeuvre mineure d'un Américain doué restera largement supérieure à la tripotée de romans qui inondent les rayons des librairies. Les amateurs du genre qui en veulent pour leur argent (pour qu'une fois qu'on a un polar qui dépasse les 500 pages), sans trop être déprimés à la fin de leur lecture, trouveront donc largement leur compte dans ce roman, somme toute bien écrit et accrocheur.